Marché carbone : inutile et injuste

un léger décalage...

Billet

Dans La simplicité volontaire contre le mythe de l'abondance, Paul Ariès décrit les ressorts du capitalisme vert et les leurres de l'écologie de marché, en particulier cette monnaie carbone, plus connue en France depuis les grenelle de l'environnement sous le vocable de taxe carbone.

Le système des compensations est une application concrète de cette monnaie carbone. Elle a été popularisée et mise en place par l'impayable hélicologiste, le très médiatique Yann Arthus-Bertrand par l'intermédiaire de son association good planet.

Or, d'un point de vue écologique, le système des compensations est inutile et dangereux en donnant bonne conscience aux pollueurs : il faut un siècle pour qu'un arbre commence à absorber les rejets de CO2 ! Socialement, il est profondément injuste. Enfin, il conforte l'économie néo-libérale en écartant la puissance publique et en créant un nouveau marché source de nouveaux profits...

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Comme nous l'avons fait précédemment dans le billet pouvoir d'achat ou pouvoir de vivre, plutôt que de paraphraser, voici quelques extraits de La simplicité volontaire contre le mythe de l'abondance :

« Après avoir longtemps nié les problèmes écologiques, la droite et les milieux d'affaires ont imaginé leur propre réponse en inventant la monnaie carbone, véritable système financier... »

« La monnaie carbone, loin d'être une réponse technique, est la poursuite de la guerre multiséculaire contre la gratuité, une étape dans la guerre des mêmes contre les mêmes. Cette monnaie carbone ne va pas seulement permettre la marchandisation, voire la financiarisation de la pollution, selon le bon principe libéral du pollueur payeur, mais déraciner un peu plus l'humanité en la soumettant davantage encore à l'économi(qu)e. »

« Elle rend l'Etat superflu, puisque les acteurs économiques s'échangent, entre eux, librement, des droits à polluer. La pollution devient ainsi un objet de spéculation (...) La monnaie carbone est la solution idéale pour continuer à réaliser des affaires pendant que la Terre grille, tout en développant toujours plus les logiques économiques libérales. »

« Après les paradis fiscaux, nous aurons les paradis de pollution avec des réglementations ultralaxistes pour attirer les entreprises, notamment les plus polluantes.»

Par ailleurs, nous rappelons que la pétition contre YAB est toujours d'actualité. Un bon moyen pour agir et dénoncer un des piliers de cette écologie de marché.

Commentaires

1. Le mardi 13 juillet 2010, 19:33 par Eric

Le problème, toutefois, pour porter les idées de la décroissance (ou d'une "autre" croissance), c'est de trouver des leviers, à la fois dans l'opinion et au niveau économique.
Au niveau économique, c'est à cela que répond la taxe carbone.
Au niveau de l'opinion, les idées des objecteurs de croissance c'est proche de zéro (en nombre de voix). Donc, pour l'instant nous restons dans un modèle qui est tributaire de la croissance.

Pour contrebalancer le livre d'Ariès, on peut lire celui de Fitoussi et Laurent. http://www.journaldumauss.net/spip.... Ce qui me parait intéressant, c'est qu'ils lient crises financière, écologique et sociale. Pour eux le problème des inégalités est bien à la racine de toutes ces crises.

Intéressant aussi, pour compléter, le dernier "Manière de voir", sur les Utopies. http://www.monde-diplomatique.fr/ma...

2. Le mardi 13 juillet 2010, 22:52 par des pas perdus

Merci pour les références.

Pour Ariès, et je partage son point de vue, la monnaie carbone est un leurre, une fausse solution qui ne résoudra aucune de ces trois crises. Ce sera un levier pour créer encore plus de spéculations et de produits dérivés... Elle conforte un système économique néo-libéral profondément injuste, inégalitaire, productiviste, et pollueur. Peut-on faire confiance à un système responsable de ces trois crises ?

Ariès estime qu'il faut rompre avec ce système. Il faut imposer la notion de gratuité dans un certain nombre de domaines importants pour casser la marchandisation croissante.

Il prend l'exemple des péages à l'entrée des villes qui ne font pas reculer les pollutions causées par l'automobile, mais permettent seulement à ceux qui ont les moyens de payer de circuler plus vite... Autrement dit, cette mesure soi-disant écologique instaure une sorte de ségrégation sociale... Seuls les riches ont le droit de circuler en ville avec leurs bagnoles, pas les pauvres... Dans cet exemple, Ariès considère qu'il faut créer des réseaux de transports collectifs performants et gratuits qui doivent échapper à la logique d'un marché qui pollue, qui gaspille les ressources naturelles et qui exploite les Hommes.

Il développe aussi d'autres propositions pour rompre avec la logique productiviste, la centralité du travail, avec le salaire universel pour tous...

L'écologie de marché conduit à des absurdités comme celle de défendre l'énergie nucléaire au motif qu'elle émet peu de CO2... en oubliant sciemment les risques directs et indirects... les déchets...

La décroissance est une notion qui a été caricaturée à l'excès... justement parce qu'elle remet en cause le système capitaliste, et plus généralement le productivisme. Certains parlent de décroissance en évoquant la pauvreté, les sdf, la misère, les délocalisations, la récession économique. C'est un non sens total, de la malhonnêteté intellectuelle pour dénigrer la décroissance. Et comme par hasard, ceux-ci ne manquent pas de relais dans les médias dominants, lesquels sont détenus par des groupes financiers ou industriels...
3. Le mardi 13 juillet 2010, 23:32 par Eric

Oui, tu as bien résumé les thèses de Paul Ariès. Je suis plutôt de ce côté. Des idées à faire murir...

4. Le mercredi 14 juillet 2010, 08:27 par des pas perdus

Oui, l'impression de ramer un peu à contre-courant... ;-)