Plan social (François Marchand)

un léger décalage...

Billet

L'auteur a planté le décor dans le valenciennois, une région autrefois industrielle et un bastion de la classe ouvrière avant la "crise". Le principal protagoniste, Emile Delcourt - qui a hérité de l'usine familiale - craint le pire. A moins d'un miracle, l'entreprise devra déposer son bilan :

« Les entreprises en redemandaient; telle société ruinée par les recommandations d'un cabinet de consultants réputé avait recours trois ans plus tard aux mêmes escrocs pour redresser la barre. (...) Ils nous ont facturé 3 millions d'euros ! C'est autre chose. Et puis leurs consultants sont très bien. Ils ont pour principe d'arriver les premiers et de partir les derniers. Non, non des gens sérieux, je vous les recommande. »

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Delcourt est un homme assez terre à terre, qui se méfie de l'air du temps, surtout des théories fumeuses et du vocabulaire des consultants qu'il considère comme des incapables. Et des nuisibles qui coûtent une fortune, habitués à satisfaire la boulimie des actionnaires en délivrant des plans sociaux de complaisance aux sociétés du CAC 40.

« Chose étonnante, Walfard n'était pas un cynique : il croyait vraiment à ses conneries. La boite de consultants à laquelle il appartenait était divisée en plusieurs parties (...). Il appartenait à la branche dévolue uniquement aux ressources humaines. Il figurait l'homme nouveau : raclure d'entre les raclures dont la maison de campagne et les vacances au ski étaient payées uniquement par les baisses de salaires dans les boîtes rachetées par les clients, il se payait le luxe de se donner bonne conscience avec sa sociodynamique et toutes ses idées sur l'organisation harmonieuse de l'entreprise. »

En l'espèce, Delcourt et ses partenaires sont dans une impasse. Le plan social est vital pour l'entreprise mais il n'en ont pas les moyens. C'est d'autant plus regrettable pour Delcourt et les salariés, qu'au vu du carnet de commandes et de la concurrence, il suffirait de licencier un quart du personnel pour que les affaires deviennent florissantes...

C'est alors que la combinaison d'une actualité entraperçue, d'une rencontre de voisinage et d'une alliance avec le délégué CGT va modifier la donne...

« Lheureux, délégué syndical CFDT, partisan d'un syndicat de cogestion responsable. Sa sentence favorite, à Lheureux, c'était : "Il faut jouer le jeu." (...) Cela signifie en bon français : enculade institutionnelle. Lheureux, on peut le mettre dans un wagon pour le camp d'extermination, il va quand même "jouer le jeu", dénoncer les fuyards, demander aux gardiens si on peut élire un délégué du personnel, inciter tout le monde à bien se déshabiller pour la douche, avant de s'y rendre lui-même avec confiance. »

François Marchand se révèle un écrivain bien dans son époque qui a su imaginer une fiction efficace et crédible. De plus, il a réussi le tour de force de rendre jubilatoire une telle histoire en portant un regard particulièrement lucide sur la réalité sociale du moment.

« La France renouait avec l'Ancien Régime : le seul endroit à éviter en cas de maladie, c'était l'hôpital. »

A lire

Commentaires

1. Le mardi 8 février 2011, 20:15 par Jérôme Leroy

Heureux que cet excellent roman vous plaise. L'auteur est devenu un ami et est aussi acide et drôle que son roman sélectionné pour le prix Amila-Meckert remis à Arras le 1er mai lors de la dixième édition de Colères du Présent.

2. Le mardi 8 février 2011, 20:43 par des pas perdus

C'est une découverte, je vais essayer de me procurer son précédent roman.
Je connaissais pas ce prix, par contre j'aime beaucoup les livres de Amila-Meckert et les vôtres .