AAA, Audit Annulation Autre politique

un léger décalage...

Billet

Quotidiennement, les médias dominants justifient le remboursement de la dette et les sacrifices imposés aux peuples avec de lourdes allusions aux générations futures qui paieraient la facture de nos inconséquences présentes... parce que bien entendu le travailleur au RSA ou au SMIC, le fonctionnaire de base ou la retraitée à la pension incomplète font vivre au-dessus de ses moyens le pays ! D'autres ou les mêmes n'hésitent pas à ajouter quelques pincées de racisme quotidien pour désigner des boucs émissaires facilement plus identifiables...

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Aussi, est-il urgent de lire AAA ne serait-ce parce qu'il fait entendre une autre voix qui n'a jamais droit de cité dans lesdits médias. On ne redira jamais assez que ces derniers défendent les intérêts de leurs propriétaires ou des annonceurs publicitaires. Les déclarations sur les journalistes de gauche de l'UMPiste G. Peltier sont à cet égard de l'enfumage.

Les auteurs de AAA, Audit Annulation Autre politique ne sont pas de doux rêveurs illuminés ou des bolcheviks revanchards mais des spécialistes de la dette, tous deux universitaires engagés au sein du CADTM-France et d'ATTAC. [1]

En moins de 200 pages, AAA couvre toute la question de la dette. Ses origines et sa montée en puissance qui sont celles du capitalisme financier, ses conséquences dramatiques sur les populations, ses gardiens du temple du néo-libéralisme, ses dirigeants politiques de droite et de la social-démocratie qui n'ont pas saisi l'opportunité de la crise des subprimes pour reprendre le contrôle du secteur financier, ses zélés serviteurs issus de Goldman Sachs, ses technocrates de la haute fonction publique qui naviguent du secteur public au privé et vice versa, ses entorses habituelles aux règles démocratiques, ses institutions publiques (FMI, BCE, Commission européenne) ou privées (agences de notation) qui protègent les intérêts particuliers des spéculateurs et les encouragent dans leur fuite en avant (l'achat par la BCE des titres de la dette sur le marché secondaire est aberrant et édifiant.). Il ressort des premiers chapitres que les politiques austéritaires favorisent la spéculation et l'endettement...

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Damien Millet et Eric Toussaint décrivent l'implacable logique du capitalisme financier qui se fonde sur l'idéologie néo-libérale. Ils reprennent notamment la stratégie du choc de Naomi Klein qui analyse comment le capitalisme à la sauce néo-libéral exploite toutes sortes de crises, y compris bien-sûr celles qu'il crée volontairement, pour imposer de nouvelles réformes de régression sociale aux populations traumatisées par le chaos qu'elles subissent, et qui sans cela n'accepteraient jamais de nouveaux "sacrifices".

Les chapitres les plus intéressants, à notre avis, concernent le non remboursement de la dette. Il apparait que d'une façon ou d'une autre, l'oligarchie (elle détient les capitaux) sera contrainte au non remboursement de la dette, soit parce que le système se bloquera ou implosera à force d'austérité et de récession, soit parce les peuples se révolteront.

«Il ne manque pas de commentateurs ou d'hommes politiques pour affirmer qu'un État qui suspend le paiement d'une dette va à coup sûr se retrouver totalement isolé et que la société va plonger dans le chaos. Privé de fonds extérieurs, l'État en défaut de paiement ne pourrait plus faire face à ses obligations et la machine économique se gripperait complètement. Or, d'un point de vue historique, le refus par un État de payer n'a rien d'exceptionnel et n'aboutit pas à une catastrophe. C'est ainsi qu'entre 1946 et 2008, on a pu dénombrer au niveau international 169 défauts de paiement qui ont duré en moyenne trois ans.»

D'ailleurs, les faits historiques apportent de formidables arguments pour tordre le cou aux chiens de garde du système qui défendent, contre vents et marées, des politiques austéritaires de régression sociale bien qu'elles produisent des effets diamétralement inverses à l'objectif officiel de réduction de l'endettement public...



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«Joseph Stiglitz apporte des éléments forts à ceux qui plaident pour la suspension du remboursement des dettes publiques. Dans un livre collectif, il affirme que la Russie en 1998 et l'Argentine au cours des années 2000 ont fait la preuve qu'une suspension unilatérale du remboursement de la dette peut être bénéfique pour les pays qui prennent cette décision : "Tant la théorie que la pratique suggèrent que la menace de fermeture du robinet du crédit a été probablement exagérée." Quand un pays réussit à imposer une réduction de dette à ses créanciers et utilise les fonds pour financer une politique fiscale expansionniste, les résultats sont positifs : "Dans ce scénario, le nombre d'entreprises locales qui tombent en faillite diminue à la fois parce que les taux d'intérêt locaux sont plus bas que si le pays avait continué à rembourser sa dette et parce que la situation économique générale du pays se renforce. Puisque l'économie se renforce, les recettes d'impôts augmentent, ce qui améliore la marge budgétaire du gouvernement. (...) Tout cela signifie que la position financière du gouvernement se renforce, rendant plus probable (et pas moins) le fait que les prêteurs voudront à nouveau octroyer des prêts."Stiglitz plaide pour que les prêteurs assument les risques qu'ils prennent. A la fin de sa contribution, il considère que les pays qui s'engagent dans la voie du défaut de paiement ou de la renégociation en vue d'obtenir une réduction de dette auront besoin d'imposer un contrôle temporaire des changes et/ou des taxes pour décourager la sortie des capitaux.»

AAA appuie sa démonstration sur les exemples de la Russie, de l'Argentine, de l'Islande, du Paraguay et d'autres pays, bien différents pourtant, mais dont le bilan économique, budgétaire et social s'est nettement amélioré après avoir décidé unilatéralement de cesser ou de négocier le remboursement de la dette publique.

Les auteurs rappellent également que la décision unilatérale de non remboursement ne constitue pas une violation du droit international qui mettrait le pays au ban de la communauté internationale.

En effet, la dette odieuse, la dette illégitime, la corruption avérée des classes dirigeantes, les emprunts qui ne contribuent pas au bien commun, le devoirs d'assistance du gouvernement à son peuple (vivre décemment, santé, éducation, etc) sont autant de notions juridiques reconnues qui autorisent légalement un pays à suspendre le remboursement de sa dette.

Enfin, dans les derniers chapitres, Damien Millet et Eric Toussaint évoquent quelques pistes pour dompter la finance et pour sortir d'un système productiviste et consumérisme qui va droit dans le mur..

Bref, AAA est un bouquin vraiment très très abordable et compréhensible pour tous, y compris les plus ignares d'entre nous en économie. Et passionnant ! A lire.

Notes

[1] A la différence des économistes médiatiques qui n'affichent pas leurs piges pour les entreprises du CAC40 ou leur appartenance à des think tanks néo-libéraux ou à des conseils d'administrations des grandes entreprises, ceux auteurs-là ne cachent pas leurs engagements

Commentaires

1. Le jeudi 18 octobre 2012, 19:45 par Lou

Tout à fait d'accord.
Dans une logique consumériste (nous n'allons pas refaire le monde ce soir), moins on est riche, moins on consomme, moins on produit, moins on a d'emplois, moins on est riche, etc.

2. Le vendredi 19 octobre 2012, 11:01 par Lou

Sur le billet 'alliance ump-fn', les commentaires sont clos. Je ne l'ai pas vu passer. Retour vers le présent.
Il y en a un qui est contre (François Fillon), il y en a un qui est plutôt pour, c'est l'homme du pain au chocolat (Jean-François Copé).
Rappelons-nous la détresse de ces petits malheureux (et de leurs parents) qui en rentrant du collège ne peuvent pas manger leur pain au chocolat parce que les grands s'y opposent en temps de ramadan.
Oui, l'ennui, c'est que, cette année, le ramadan se tenait pendant les congés scolaires de l'été et que les gourmands ne pouvaient pas revenir d'un collège.
"Alliance", c'est le nom d'un fameux syndicat, autrement connu sous le sobriquet de "Fierté de la Police" dans le film 'Ne réveillez pas un flic qui dort'.
Dans la "nouvelle alliance", tu oublies de mentionner Manuel Vals.
Je ne sais pas ce que m'ont fait les Tziganes, je ne sais pas pourquoi je les défends, mais, en temps de crise, les charters de réexpédition coûtent cher au budget de l'Etat.

3. Le vendredi 19 octobre 2012, 18:20 par des pas perdus

Effectivement... Il vaudrait mettre les moyens de les accueillir et les intégrer, ce serait plus productif cher décroissant.