l'Inquisition médiatique de la Sainte Dérégulation, un travail de pros, 24/7 !

un léger décalage...

Billet

Mes ami-e-s

Allons-nous enfin vivre dans une société libérée de ces lois hérétiques qui interdisent le travail de nuit et les caddies de circuler librement le dimanche dans les rayons des temples de la consommation ?

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J'ai l'espoir que les lois et règlements qui embastillent l'esprit d'entreprise et le goût du travail sur nos terres du MEDEF disparaîtront très prochainement car l'Inquisition médiatique a divinement instruit les procès en damnation des impies, incultes, apostats, fainéants, gauchistes, fonctionnaires, CDIstes, décroissants, homosexuels, zoophiles, écologistes, pauvres, immigrés, assistés, humanistes, roms, juifs, arabes et surtout syndicalistes qui s'opposent aux horaires de nuit et au travail dominical. Ces damnés de la terre défendent des choses insensées totalement contre-productives qui appartiennent de droit à l'oligarchie : les loisirs, le temps libre, la vie de famille, des revenus confortables, et j'en passe et des meilleurs..!

L'Inquisition médiatique a naturellement prêché pour les intérêts du grand patronat dirigé par le miséricordieux Gattaz, le fils du Père, en donnant un retentissement sans précédent aux prières sur la voie publique de quelques salariés triés sur le volet qui rêvent d'être exploités à toute heure du jour et de la nuit, et qui dénoncent à la fois une odieuse décision de justice et les hérétiques regroupés dans des syndicats !

Évidemment, de miraculeux sondages - unanimement favorables au travail dominical et aux horaires de nuit - ont rappelé aux hérétiques que la modernité et le sens de l'Histoire passent par la dérégulation et le retour à la loi naturelle. Le summum a été atteint par Plantu Le Pélerin, l'éditorialiste caricaturiste du journal de déférence du Monde, très apprécié par nos amis du Qatar, dont les règles économiques et sociales représentent le modèle que nous rêvons de transposer ici.

Permettez-moi cette confidence : le manque d'audace de nos clercs médiatiques m'a particulièrement affligé en omettant d'exiger le rétablissement de la loi Le Chapelier, cette loi sage, bénie du Dieu Pognon, qui interdisait aux salariés de s'associer pour défendre leurs droits, au nom de la Vérité que patron et salarié sont à égalité pour négocier en toute liberté le contrat de travail et l'évolution des conditions de travail...

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Hélas, le chemin de la liberté du travail est semé d’embûches et de diverses barricades élevées par de perfides esprits hérétiques - syndicalistes ou membres du Front de gauche, parfois même les deux ! - qui dénoncent l'absence de pluralisme de l'Inquisition médiatique, la mainmise de quelques milliardaires sur les médias, l'importance vitale des recettes publicitaires et les très généreuses aides publiques indispensables à sa survie.

Il est vrai que c'est pas un hasard si l'Inquisition médiatique préfère des salariés fidèles aux Évangiles de la Sainte Dérégulation, résignés, dociles, corvéables à merci et aliénés aux hérétiques manipulés par quelques diables syndicalistes qui luttent au péril de leur santé et de leur emploi contre les décisions arbitraires de leurs patrons comme le remarque Jean-Luc Mélenchon :

« Tout d'un coup, les ouvriers sont réapparus sur les écrans de télévision et au bout des micros qui leur ont été tendus à foison. Eux, qui sont à peine 2 % des personnages vus à la télévision, devenaient tout d'un coup omniprésents. La semaine précédente, on avait vu aussi des salariés qui suppliaient qu'on les laisse travailler la nuit. Si écœurant que cela soit, cela ne suffisait pas. Car il s'agit bel et bien d'une offensive contre les droits sociaux et tout ce que nous avons pu faire pendant des années en ce qui concerne les rythmes de la vie en société ! Face aux larmes des salariés suppliants qu'on les exploite, quels coupables ont-ils été désigné ? Les syndicats, bien sûrs. »

Ce Judas, cet apostat n'a pas tort mais l'Inquisition médiatique veille au grain. Ainsi, les sorcières dénommées les résistantes d'Alberville, qui manifestèrent tous les dimanches pendant deux ans, n'ont jamais bénéficié - merci Ô Dieu pognon - d'une telle exposition médiatique ! Pas une seule Une, ni aucun article dans la divine presse nationale. [1] Ainsi, les prêtres de l'Inquisition médiatique réhabilitent l'extrême droite pour enfumer le peuple. [2]

Notez que cette semaine, le Concile de la Sainte Dérégulation a décidé de donner un euro de récompense au Pape François Le Batave pour l'ensemble de son œuvre en faveur de la Sainte Dérégulation, et du travail dominical.

François Le Batave a sagement demandé à zAyrault le Pieux de laisser pourrir la situation alors que l'Assemblée nationale pouvait voter la proposition de loi du Front de gauche visant à garantir « le droit au repos dominical » [3]. Ensuite, il a miraculeusement botté en touche en créant une énième commission présidée par un illustre missionnaire de la Sainte Dérégulation, bien connu de nos services puisqu'il a évangélisé les hérétiques de la Poste en leur inculquant l'amour de la concurrence et de la flexibilité. Bénissons le choix fort judicieux de zAyrault le Pieux car le pedigree du missionnaire Jean-Claude, sa sensibilité sociale et son mépris des syndicats nous promettent des lendemains de dérégulation et de profits !

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Par ailleurs, je ne peux conclure sans vous signaler la brillante intervention du Torquemada de la Banque de France qui a vaillamment répandu la Parole de Dieu Pognon en outrepassant allègrement ses obligations professionnelles, notamment l'obligation de réserve. Saluons son courage digne de nos premiers missionnaires qui souffrirent le martyr à la Libération et à l'apogée du programme du Conseil national de la Résistance.

En l'occurrence, Christian Noyer a déclaré en toute impunité mais avec notre bénédiction :

« je pense que nous sommes aujourd'hui dans un monde où il doit y avoir beaucoup plus de facilités de flexibilité. (...) Et donc chaque fois que nous avons la possibilité, sans que cela soit rejeté par les salariés mais au contraire bien accueilli (...) de créer de l'activité, de créer de l'emploi, quand on est dans une situation comme la nôtre (...) je crois qu'il y a pas à hésiter, il faut aller aussi loin que possible »

Le Torquemada de la Banque de France est un humble soldat de la Sainte Dérégulation comme en témoigne son CV vierge de toute période de chômage, de précarité et de flexibilité. Un vaillant prêcheur qui ne s'est pas laissé intimider par les révélations oiseuses de l'écrivain impie Antoine Peillon sur l'immobilisme de la Banque de France et de l'Autorité de contrôle prudentiel dans son ouvrage confidentiel, Ces 600 milliards qui manquent à la France. Enquête au cœur de l'évasion fiscale.

Mes ami-e-s, ayons confiance en l'Inquisition médiatique fidèle chienne de garde du patronat, en la sagesse du pape François Le Batave qui a imposé l'ANI et le TSCG, et bientôt la fin des retraites décentes à 60 ans et la privatisation du système de santé publique, en nos valeureux missionnaires qui pondent en commission et à la commission des rapports conformes aux dogmes de la Sainte Dérégulation ! Préparons d'ores et déjà le bûcher qui réduira en cendres le code du travail et tous les livres qui dérogent au droit divin de la Sainte Dérégulation !

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Commentaires

1. Le dimanche 6 octobre 2013, 18:02 par leunamme

Cher ami,
que ce billet est juste !
Par contre, je rectifierai ton introduction : si c'est bien une société libérée de ces lois hérétiques qui nous attend, nous n'allons pas y vivre, mais juste y survivre !

2. Le dimanche 6 octobre 2013, 18:39 par des pas perdus

Celui qui s'exprime n'est pas du côté des opprimés...

3. Le dimanche 6 octobre 2013, 18:50 par Lou de Libellus

Ah oui, pas mal : "société libérée", ça sonne mieux que "libérale" qui était déjà mieux que ce qu'on disait avant.
Et puis la libération ! libération des dictatures (avec lesquels, bien des pays ne connaissaient encore ni les milliardaires ni la misère), libération des affreux machistes (qui a permis de mettre les femmes au travail, y a pas de raison !), libération de Libération, quotidien complètement débridé, etc.

Après ce compliment justement rendu à toi, je dois dire que...
(citation)
Mon cœur est rempli de chagrin mais je ne vois aucune raison de contester la juste sentence de la sainte Inquisition.

C'est que, ho ! je n'ai pas envie de finir au cachot.

4. Le dimanche 6 octobre 2013, 19:33 par des pas perdus

Merci Lou. J'avais écrit ce billet selon la mode habituelle et puis, je l'ai juste un peu modifié...