Il soufflait, haletant, fin prêt pour la suite des événements, et il était déçu, troublé qu'il n'y eût plus que le silence, à présent autour de lui.
Du revers de la main, il se frotta les lèvres; elles s'écartèrent à regret, comme engluées l'une à l'autre, recouvertes d'une pellicule qui avait le goût de l'effort et du désir.
Sa bouche se mit à béer de plaisir, bien qu'il n'en fut pas conscient.
Le tueur se mit les mains en cornet autour de sa bouche; il faisait froid dans l'appartement, et il souffla très fort entre ses doigts.
Dans un miroir doré, il aperçut, sans s'attarder, le reflet de ses propres lèvres, pour lesquelles il avait une passion.
Et puis, il y avait l'odeur.
Il se pinça le nez; s'il était une chose que le tueur détestait, c'était l'odeur de l'urine des autres.
Seule la sienne ne le dérangeait pas.
Il y avait du sang, aussi.
Bon, elle était crevée, d'accord; et alors ?
Qu'est-ce qu'on en avait à foutre ?
Son erreur fatale, à cette rombière, c'était d'avoir passé la tête dans le salon pour voir d'où venait le bruit pendant qu'il achevait la fille;
Mais, elle en avait trop vu.
C'était logique.
Il ne pouvait pas se permettre de laisser mémé en vie, et de toute façon, il avait horreur d'être interrompu quand il était absorbé par son travail.
Donc, il fallait que la vieille bique disparaisse.
A vrai dire, oui il aurait pu faire mieux.
Seulement, il avait complètement perdu la tête quand la fille avait levé la main pour le raisonner.
A vrai dire, ce qu'il avait entendu ressemblait plus à un gargouillis étranglé qu'à un vrai cri;
puis, il y avait un son bref, comme une sorte de halètement, au moment où la gorge se fendait en deux lèvres souriantes et ruisselantes.
Il s'adossa au montant de la porte, sa chevelure formant une tâche d'un noir intense sur le mur d'un jaune morne.
La pièce était déjà dans un triste état avant même qu'il y fit irruption.
La vieille chambre glaciale au plafond haut où il se tenait avait été réduite, par la négligence de ses occupants, en dépit de leurs vains efforts, à l'état de ruine immonde et pourrissante,
aux murs de plâtre moisi dont le papier peint se décollait, glissant vers le plancher, sous l'effet de l'humidité ambiante.
A présent, il avait envie de regagner l'endroit, près de la fenêtre, où il avait laissé son sac.
Rampant comme un rat, audacieux mais prudent, il recula centimètre par centimètre, et il tendait l'oreille.
Mais aucun bruit ne lui parvint;
sortant un chiffon de son vieux fourre-tout Adidas, il commença à essuyer sa hache, en faisant attention de ne pas se couper - nom de Dieu, elle était aussi tranchante qu'un rasoir !
Quant au silence qui régnait dans les appartements, cela ne le surprenait pas du tout, car ils étaient situés dans un quartier résidentiel de premier ordre.
Ici, les gros consortiums immobiliers, qui possédaient presque toutes les habitations, s'employaient à satisfaire les besoins d'une clientèle de riches vieillards;
ces gens-là se moquaient bien du loyer ou des impôts qu'on leur faisait payer, tant qu'on les préservait du voisinage des chômeurs des minorités ethniques,
des handicapés et de tout ce qui pouvait être un tant soit peu dérangeant.
A vrai dire, c'était justement parce que les locataires de la Tour Paris 13 voulaient rester à l'écart de tous les aspects désagréables de la réalité que le tueur pouvait y aller à sa guise,
un peu comme chez lui.
Extraits adaptés du roman de Robin Cook, J'étais Dora Suarez (1990)
Commentaires
On reconnaît le bac à douche qui a servi pour 'Psychose'.
Et là... avec ses oreilles pointues ou ses cornes, oui, toi tu le mets au cagibi ?
Il faut quand même visiter avant d'acheter, il y a de grosses différences entre les appartements. Le premier... je ne sais pas si on peut 'ravoir' les murs.
Tes filtres deviennent de plus en plus compliqués.
Imparable (simple suggestion) : dans certaines de nos écoles, on appelle "coup du chanoine" le coup du ? (huit lettres)
Appartement à vendre, conviendrait pour boucherie clandestine ou tournage film d'horreur, autres cas rafraîchissement déco à prévoir.
Lou, je n'utilise aucun filtre...
Hubert, c'est promis à la démolition..
Dans les années 70, minot, j'ai bossé dans l'une des deux premières tours du 13e. Je faisais la peinture des apparts avec une équipe de tâcherons espagnols... A ce que je vois, la ripolin a pris du galon !
ça fait de très bons placements... tout au moins une bonne niche fiscale..
Il faut les abattre.
Ceux qui utilisent cela comme niche fiscale, bien entendu.
Oui, surtout quand il s'agit de peintres décédés... donc je ne vois pas trop où est le soutien, via les mécènes, de l'art vivant...