La loi El Khomri, conjuguée à l'autisme de celles et ceux qui sont au pouvoir et qui n'ont pas été élus pour mettre en œuvre une politique aussi favorable au patronat, est bien la goutte ultralibérale de trop qui fait déborder la colère populaire.
Dès le départ, le gouvernement Valls a fait preuve d'autoritarisme. Lors de la présentation de cette loi, il fut question de 49-3. Puis, voyant les confédérations syndicales collaboratrices rechigner, Valls et El Khomri ont mis un peu d'eau dans leur pâle rosé, toilettant a minima certaines dispositions de leur projet.
Pour autant, malgré la défection de la CFDT et de la CGC, le mouvement n'a pas faibli. Alors, le gouvernement a misé sur le pourrissement. Sont apparus les fameux casseurs. Qui sont-ils ? Mystère. Dans une société aussi surveillée, via le web, les ex RG et les caméras de vidéosurveillance, et la présence massive aux manifs des forces de l'ordre, ils sont toujours aussi nombreux à s'infiltrer parmi les manifestants, parfois par la violence. Les "grands" médias, ceux qui appartiennent à des oligarques n'ont pas manqué de passer en boucle les forfaits des casseurs.
Malgré la propagande médiatique, la fameuse ou fumeuse opinion publique ne s'est pas retournée contre le mouvement social. Peut-être parce que le ras-le-bol est général ? Peut-être parce que la parole politique portée par les représentants du pouvoir est totalement déconsidérée ? Parce que ceux-là vivent dans un autre monde, où quelle que soit l'issue des prochaines élections, ils sont convaincus de ne pas connaître le sort de celles et de ceux qui vivent avec la peur du chômage ou celle de tomber dans la pauvreté.
Toujours est-il que le bilan de cette présidence "normale" qui tente d'imposer la loi El Khomri est désastreux : des manifestants blessés, parfois handicapés à vie comme ce jeune qui a perdu un œil, l'utilisation d'armes qui, il y a quelques années encore, n'auraient jamais été utilisées, des policiers fatigués et stressés, surmobilisés après plus de 6 mois d'Etat d'urgence qui pètent parfois les plombs, et d'autres fonctionnaires de police ou de gendarmerie blessés.
L'interview de Hollande sur Europe 1 et le meeting de Valls dans son fief, hier, révèlent le jusqu'auboutisme d'un pouvoir qui a perdu toute légitimité populaire. Un pouvoir aux ordres du patronat et de l'oligarchie qui applique les recommandations d'une commission européenne dirigée par Juncker, une fois encore mouillé dans un scandale lié au monde de la finance.
Aussi, il est à craindre qu'un manifestant ou un fonctionnaire de police ou de gendarmerie perde la vie à cause d'un pouvoir aux abois qui, depuis quelques semaines, ne cesse de rabâcher que "ça va mieux" !
Il y a deux leçons à tirer de ces "événements" (comme on dit en France) :
La première est que l'ordre ultralibéral devient socialement insoutenable pour le peuple. Par exemple, les chauffeurs routiers, déjà soumis au dumping social des travailleurs détachés qui ont vu bon nombre de leurs collègues licenciés, craignent que les négociations entreprise par entreprise fassent baisser leurs salaires et durcir leurs conditions de travail en raison de l'inversion des normes fixée par la loi El Khomri. A l'instar des autres réformes ultralibérales, ils ont conscience que la loi El Khomri contribuera à dégrader leurs conditions de travail et de vie.
La seconde est que cet ordre ultralibéral montre sa nature autoritaire à mesure que ses dogmes entrent dans la loi. La persistance de la mobilisation sociale par les grèves, les manifs et Nuit debout, ainsi que le phénomène abstentionniste sont autant d'indices du rejet populaire de cette politique austéritaire de régression sociale et de cette République oligarchique dont les représentants ne représentent plus qu'eux-mêmes.
En définitive, cet ordre ultralibéral défendu par les PS, LR et FN ne dispose plus que de la violence institutionnelle pour imposer de nouvelles réformes. Combien de temps durera-t-il ? Jusqu'où ira-t-il dans sa violence ? Peut-être plus loin qu'on ne l'imagine avec l'extrême droite au pouvoir pour lui garantir quelques années supplémentaires...
Commentaires
"ces "événements" (comme on dit en France)"
Je me souviens bien des "événements" d'Algérie.
Là où je m'y perds, c'est que je ne sais plus si le travail le dimanche, c'est Macron ou El Khomri ? Ou les deux ? L'avenir de Libellus (et de Mimile) est en jeu.
En 1968, dans la nuit du 10 mai, un manifestant (instituteur ou élève instituteur, je ne suis plus sûr) a reçu une grenade lacrymogène, en tir tendu, dans un œil. Il y aurait aussi eu un mort (comment le vérifier ?). Plus de mille blessés, réfugiés dans la Sorbonne dont les portes ont été réouvertes dans la nuit, d'autres dans les hôpitaux ; des journalistes ont été blessés ; des ambulances ont été attaquées et détruites.
Moi, dans cette paisible rumeur de la ville (Verlaine), je suis sorti du champ à minuit, de justesse. Au bout de la rue Clovis, j'ai été arrêté par un barrage de CRS ; ils ont été sympas, il restait bien du gibier.
J'avais vu les barricades absurdes. Place du Panthéon, à droite en venant de la rue Soufflot, il y avait une barricade tournée vers le croisement de la rue d'Ulm ; de l'autre côté du croisement, une autre, faisant face à la première ; dans la rue d'Ulm, une barricade tournée vers le Panthéon. Absurde stratégie, à moins que le stratège (DCB) ait bien cherché à faire des martyrs...
Ceux que je plains, ce sont les arbres.
Les deux mon adjudant, l'une a été promulguée, l'autre pas encore et entend (entre autre) étendre les dispositions de la première, y compris dans sa troisième version soi-disant édulcorée (https://redvolted.wordpress.com/201...).
Mai 68, une dizaine de morts.
En effet, dpp, compte-tenu des centaines de violences policières, il est étonnant, voir miraculeux qu'il n'y ait pas encore eu de morts... Par contre, nombreux blessés. Oui, le gouvernement joue le pourrissement, comme tout le monde le voit, et espère faire la jointure avec l'été.
On était une cinquantaine assis devant la préfecture à papoter tranquillement. Les keufs sont venus avec gazeuses, LBD, matraques, armes de poing et même leurs habituels voyous à foulard et capuche ! À un armé jusqu'aux dents contre un sans armes qui ne voulait pas la bagarre... La scène était hallucinante. Et on a beau savoir, on a quand même été surpris par la violence contre nous qui étions si tranquilles.
Merci, Arthurin, ta présentation de la moq'rie est magistrale. Tu seras cité dans le prochain 'Au comptoir' (anciennement 'Chez Mimile').
Merci, Des pas, de ne pas commenter "magistrale" par : quand c'est le maître qui le dit.
Merci, Robert et Un partageux.
Lou, si je comprends bien, l'issue aurait été différente si on t'avait demandé des conseils en stratégie. Sinon, je ne commente jamais !
Merci pour le lien Arthurin.
Robert, je ne pensais pas qu'il y avait eu autant de victimes.
Gédécé, je connais quelqu'un qui désormais a peur de manifester.
Hubert, j'imagine combien cela doit être choquant.
Des pas, le soir du 10 mai, il était demandé la réouverture de la Sorbonne. Les joyeux communards sont restés devant la porte, non protégée, comme les anciens devant la Banque de France. Les fêtards retranchés dans la Sorbonne, il eût été pratiquement impossible de les déloger, il aurait fallu démolir le bâtiment.
Petite note : Dany existe, je l'ai rencontré ce soir-là, retranché, lui, dans une cour d'immeuble avec tout son matos et les journalistes, en liaison permanente avec les radios et les dirigeants politiques.
Je n'avais pas emporté mon carnet d'aurtographe, comme dirait Mimile. Une signature de Dany datée du 10 mai 1968 ! Je serais riche.
Lou, tu aurais pu devenir un mécène...
Je suis un mécène, ici :
http://www.artchapelles.com/interne...
(c'est déductible des impôts, chut...)
Lou, à propos de mai 68 tu devrais lire le bouquin de ma copine Chantal, dont un chapitre (le 12) est consacré à cet évènement. C'est là :
http://www.lulu.com/shop/chantal-du...
En cherchant bien, il me reste un exemplaire (c'est moi qui ai fait la couverture et la mise en page). Je peux te l'envoyer, si tu es intéressé.
Elle et moi ne sommes pas toujours du même bord, surtout concernant les religions.
Chantal Dupille, je la connais, elle n'aime pas Giscard.
http://www.libellus-libellus.fr/201...
Un cadeau, volontiers, tu as déjà mon adresse.
Qu'y a-t-il entre vous en matière de religion ?
Je te rappelle que je suis chrétien (ne me demande pas trop ce que cela veut dire - d'après monsieur Ratzinger (je peux donner le lien), je suis un chrétien incohérent), mes amis sont tous athées, c'est mon karma, et nous nous entendons bien.
Je me demande si Des pas, désespéré par les événements de notre époque, ne va pas entrer en religion... Cistercien, non ; bénédictin, non ; jésuite, sûrement pas ; dominicain... ah, la finesse, l'humour, le discours tordu... pourquoi pas ?
Des pas, tu dois te mettre au latin, au grec et à l'hébreu.