Vernon Subutex 3 (V. Despentes)

un léger décalage...

Billet

Dans ce troisième volet des "aventures" de Vernon Subutex, nous retrouvons le personnage principal, devenu un gourou, un mythe de la nuit, quasiment l'égal des stars, des idoles qui l'ont accompagné toute sa vie, dont il a vendu les disques avant de mixer leur musique, et ses compagnons anonymes dont l'auteure brosse avec talent le portrait, à l'instar de ce couple d'alcooliques, exclusivement bêtes, méchants et violents, où elle dévoile leur histoire, leur sensibilité, leur finesse et même leur lucidité insoupçonnées... Où ce couple de musulmans en Allemagne, cette jeune femme en fuite en Espagne, ces deux producteurs ou cet ancien trader...

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Virginie Despentes achève sa trilogie [1]dans une sorte de trip hallucinant qui va du roman d'anticipation aux frontières de la science fiction, ce qui paradoxalement l'ancre dans le présent et dans un passé récent.

Ainsi, elle définit ou décrit admirablement ce que fut le quinquennat de Hollande :

« Ces dernières années, il se sentait comme un clou qu'un marteau enragé cognait jour après jour : les luttes de gauche, c'était terminé. Au moindre article d'économiste suggérant que la dette était une arnaque, à la moindre critique s'opposant à l'assimilation des réfugiés à des terroristes violeurs en puissance, à la manifestation contre la destruction des retraites ou du service publique, les médias hurlaient à l'anachronisme, à la démagogie, au passéisme, à l'irréalisme, et brandissaient le spectre de l'ismalo-gauchisme. C'est une gauche d'Etat imprégnée d'idéologie fasciste, d'enfants issus de l'extrême droite reconvertis au socialisme par opportunisme, de ministres fréquentant le Gud sans qu'on voie où serait le problème mais qu'on ne verra jamais avec un syndicaliste, une gauche qui ne veut plus entendre parler de régulation des marchés, et qui n'a qu'une idée en tête : séduire l'électorat d'extrême droite. »

Ce PS de droite dure si bien incarné par les Ayrault, Valls et Cazeneuve :

« C'est une gauche de pouvoir élue sur un programme de centre gauche qui s'est empressée de prolonger la politique de ses prédécesseurs, respectant les consignes de dérégulation à la virgule près. C'est une gauche au pouvoir qui désire coûte que coûte en finir avec toute idée de gauche. »

Et, ces médias qui se parent des vertus d'un contre pouvoir pour mieux soutenir le pouvoir politique et économique :

« Les journalistes savent de quoi ils parlent : pour être tenus, ils sont tenus. Trois grandes fortunes contrôlent l'ensemble de la presse, et nul n'écrit dans leurs colonnes sans défendre leurs intérêts. (...) il n'y a qu'une seule réalité possible, c'est celle des grands patrons aux mains entièrement libres, il n'y a qu'un seul avenir envisageable, c'est plus de libéralisme et toujours plus de libéralisme. Il n'y a qu'une seule interprétation des faits qui soit valable et c'est que le marché ne peut subir aucune contrainte, rien ne doit empêcher les plus riches de confisquer toujours davantage, rien ne doit empêcher les puissants de traiter les dominés comme des esclaves. Il faut liquider l'héritage du Front populaire, des grèves des années 70, il faut en finir avec l'égalité. La liberté de consommer suffira. C'est déjà beaucoup, ils ne voient pas de quoi se plaint le peuple. Privatisation des bénéfices, socialisation des pertes, on démolit le pays pour le mettre au service des banques et le plus troublant de l'histoire c'est qu'on a enfoncé dans la tête de chaque individu qu'on ne pouvait pas faire autrement. »

Ne serait-ce que pour ce genre de tirades, de morceaux de lucidité politique, ce Vernon Subutex, troisième du nom, vaut d'être lu.

Note

[1] pour relire les billets consacrés aux n° 1 et n° 2 et bis

Commentaires

1. Le mardi 19 décembre 2017, 15:18 par Robert Spire

Il y a Despentes que la gauche n'arrive plus à gravir!

2. Le mercredi 20 décembre 2017, 07:28 par babelouest

Dans un chemin pentu, graviatu et bouehu-hu-hu
Six fort roberts fendaient la bise...
Le sol, férien de service, s'appliquait à bloquer
Toute avance qui eût pu contenter plébéien
Que pensez-vous qu'il arrivûûû ?
C'est le cocher qui, las, fut hue.
Ce pays bas du front valait bien un fromage !
Mais il n'eut qu'un petit macaron....

(m'ouais, un peu iconoclaste)

3. Le samedi 23 décembre 2017, 08:01 par des pas perdus

Petit mais difficile à digérer !