Manuel Valls se rêve en Tony Blair

un léger décalage...

Billet

valls.jpg Manuel Valls a commis un livre que nous n'avons pas lu... En ces temps de pouvoir d'achat faiblard, et puis... Ce bouquin ressemble à une denrée très périssable. Il vaut mieux qu'il encombre la bibliothèque municipale que la nôtre...

De toute façon, est-ce bien nécessaire de le lire ? Les critiques et les interviews de l'auteur ont été si nombreuses que l'on cerne son message. L'intéressé a même un blog. Tous ces matériaux permettent de cerner les idées défendues par Valls.

L'idée de départ de son bouquin est séduisante : mettre en conformité les idées défendues par le PS avec la pratique du pouvoir, pour éviter de rééditer un tête à queue comme celui de la période 1982-83. A l'époque, la gauche passa de la relance keynésienne à une politique monétariste, et serra la ceinture au niveau des mesures sociales.

Durant cette parenthèse d'austérité, nous crûmes, un temps, les hiérarques socialistes qui affirmaient, en paraphrasant Willy Brandt, que les économies et les efforts du moment permettraient d'investir pour créer les emplois de demain, voire une vie meilleure après-demain. On connait la suite...

Par conséquent, plutôt que de préparer sciemment de nouvelles désillusions en multipliant des promesses utopiques, Manuel Valls propose son "parler vrai". Pourquoi pas ?

D'un côté, la reconquête du pouvoir sera sans doute moins facile. Elle fera moins rêver et risque de moins attirer, mais de l'autre côté, la gauche au pouvoir causera moins de déceptions... Jusque-là, tout va bien...

Sauf qu'ensuite, Valls balance tout à la bail : l'eau du bain, la cuvette et le bébé ! Il se déclare pragmatique mais son discours prend une tournure idéologique. Il a trouvé la solution : faire table rase du passé du parti socialiste !

Il l'illustre en avouant préférer Clémenceau à Jaurès... Or, le Tigre a eu un parcours politique qui a nettement dérivé de gauche à droite. Quelle cécité de préférer un va-t'en guerre à Jaurès qui prônait une Europe pacifiée et dénonçait les nationalistes et les capitalistes qui les soutenaient... Dans le même genre, il propose que le PS change carrément de nom.

A lire Valls aujourd'hui, on se croirait revenu en 1991 quand, en Italie, le parti communiste changea de nom pour symboliser sa rupture avec son idéologie marxiste-léniniste, ses pratiques et son passé, devenant ainsi un parti social démocrate, puis depuis, plus rien...

Or, le PS n'est pas dans une telle situation. Tout au long de son histoire, il a évolué, pour preuve cette nouvelle déclaration de principes qui sera sans doute adoptée au prochain congrès. Si elle n'est guère transcendante, voire très criticable, sans nier le passé du mouvement ouvrier, elle a au moins le mérite d'être réaliste...

Dans ce contexte, l'intervention de Valls n'est pas anodine. Selon lui, le PS ne se réforme pas suffisamment. Il ne s'agit plus d'acter l'acceptation de l'économie de marché, mais de faire sienne l'idéologie libérale...

Autrement dit, Valls souhaite que le PS devienne le défenseur d'un système économique capitaliste dans lequel la concurrence serait quasiment sans limite et les services publics se réduiraient à la portion congue, style Etat gendarme.

Dans une interview au Point, il affirme :

Je n’attaque pas le PS, je veux le refonder, car l’idée socialiste est en partie morte. C’est la thèse du livre : le vieux socialisme, celui qui a imprégné la gauche française pendant des décennies, est épuisé. Il faut inventer autre chose. (...) Mon souci, c’est d’intégrer la gauche à son époque, pas de célébrer le culte du vieux socialisme.

Comme l'époque est au néo-libéralisme, Valls l'accepte et n'imagine pas un PS qui serait capable d'inventer une politique conciliant économie de marché et justice sociale. D'ailleurs, il livre son modèle :

La gauche gagnera si elle produit un effort intellectuel massif, comme l’ont fait les démocrates américains dans les années 80 ou les travaillistes britanniques dans les années 90.

Et pour ceux qui comprendraient mal, il ajoute :

Je dis dans le livre qu’il faut par exemple accepter de travailler plus et plus longtemps pour sauver le système de retraite. Aujourd’hui, il est plus important de prendre en compte la pénibilité du travail que de s’arc-bouter sur le chiffre fétiche des quarante annuités. Je n’ai aucun problème à l’assumer.

La dernière citation nous rappelle quelqu'un que nous ne goûtons guère... Valls ne propose que le "travailler plus" pour pérenniser les retraites alors qu'il existe des solutions alternatives aussi efficaces et plus équitables socialement. "Le travailler plus" est sa recette miracle... Il faudra l'informer qu'un autre a trouvé cette formule avant lui... qui ne solutionne rien.

Ce qui est frappant en suivant l'évolution de Valls, sans doute représentative de bon nombre de responsables de gauche, c'est une double résignation :

  • au niveau des idées qui ressemble à une sorte de fatalité dans le contexte idéologique actuel, et finalement d'oubli des principes qui fondèrent, sans doute, leur engagement politique à gauche.
  • au niveau électoral qui se traduit par une droitisation du discours pour draguer les électorats du centre et de la droite modérée.

De plus, Valls et ses amis omettent deux faits marquants :

  • l'expérience du gouvernement Jospin qui a mené une politique intéressante (avec quelques avancées sociales) tout en réduisant les déficits budgétaires;
  • les revers électoraux de Jospin et récemment de la gauche européenne (New Labour inclu) qui ont perdu, en même temps que les élections, leur identité en se positionnant au centre, centre gauche ou centre droite suivant les pays...

La gauche dont rêve Valls, c'est au mieux le MoDem, au pire l'UMP, avec un vague discours social sociétal... On se demande ce qui l'a empêché d'accepter un portefeuille dans le gouvernement Fillon en compagnie de ses amis Besson et Bockel en mai 2007...

Espérons qu'au prochain congrès du PS, Valls and co seront très minoritaires... Sinon, on reprendra encore 10 ans de droite dans les dents.

Commentaires

1. Le lundi 12 mai 2008, 17:48 par Resistance 2012

Bonjour,

Voici le Widget de mon blog pour ceux qui souhaiteraient l'afficher sur le leur :

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Les couleurs sont paramétrables.

2. Le lundi 12 mai 2008, 18:56 par pas perdus

joli, je vais l'installer cette semaine

3. Le mardi 13 mai 2008, 11:48 par Fanette

Ils se bouffent déjà entre eux pour devenir calife à la place du calife...regrettable, car toutes ces énergies réunies donneraient un vrai sens au PS..

4. Le mercredi 14 mai 2008, 18:25 par pas perdus

Il y a des divisions, des ambitions et des différents au niveau des idées.Pas facile à concilier...

5. Le lundi 19 mai 2008, 18:31 par Kamizole

Il se trouve qu'avant d'être à Evry, Valls a "sévi" dans le Val d'Oise... A Argenteuil, ou sa gué-guerre contre le PC a permis à Monthron de prendre le pouvoir, intermède heureusement terminé ! et en tant que premier secrétaire de la fédé socialiste ! Là, il a donné sa pleine mesure d'autocrate !... J'ai assisté à une lendemain de congrès où il était d'un mépris consternant pour les courants minoritaires... D'autant plus minoritaires qu'il a tout fait pour qu'ils le restent. Sans appartenir formellement à la Gauche socialiste, j'avais proposé d'aller soutenir leur motion dans certaines sections où il n'y avait pas de militants pour en être porte-parole (j'avais choisi quelques unes où je pouvais me rendre par les transports en commun, n'ayant plus de voiture). Eh bien, nous n'avons jamais eu les dates ni les heures et encore moins le lieu des réunions ! On est confondu par autant de mépris des règles démocratiques... On a parlé un temps de Valls comme susceptible de rejoindre Sarkozy dans sa politique d'ouverture... Il serait plus à sa place en "compagnon de route" de l'UMP. D'ailleurs, il a tellement trahi tous ses mentors successifs qu'il est bien de la race d'un Sarko !

6. Le lundi 19 mai 2008, 21:25 par pas perdus

Il a une image lisse, moderne, il plait aux médias. C'est vrai, je n'ai pas mentionné qu'il avait failli franchir le rubicon. Merci pour ton témoignage sur ses pratiques. Je ne suis pas étonné. J'ai moi-même milité un temps au PS et vu comment sont traitées les minorités, les pressions exercées sur des militants, leurs proches... Pas très glorieux. Ça date mais je présume que ces pratiques-là subsistent ça et là.