capitalisme bureaucratique

un léger décalage...

Billet

Chaque jour ouvré, nous mesurons la justesse de l'expression "Travailler fatigue" ! Surtout depuis la crise, c'est à dire depuis notre arrivée dans le monde du travail où nous ne cessons de nous serrer la ceinture !

Il convient néanmoins de nuancer notre propos, car la crise est un concept totalement abstrait pour le PDG de La Boite et les plus hauts cadres dont les trains de vie respectifs semblent continuellement s'élever à mesure que les nôtres baissent !

Il y a dix ans, le PDG de La Boite a fait signer l'accord sur les bons de participation... A nos quelques réserves émises, beaucoup de collègues recrachaient les arguments du syndicat maison et de la direction : "vous êtes les derniers des mohicans, en retard d'un siècle, les rouges, il faut vivre avec son temps, la lutte des classes est terminée, même le PS l'affirme !"

Malgré l'explosion de la bulle des start-ups, le discours dominant vantait toujours le libre-échange jouissif, la mondialisation heureuse, l'investissement individuel sur soi (sic), la consommation citoyenne et l'actionnariat populaire !

Comme par enchantement, le salarié, autrefois ouvrier aliéné et exploité, s'était transformé en capitaliste de base s'impliquant toujours davantage dans son entreprise, travaillant plus, faisant vivre les cercles de qualité... Le salarié devenant quasiment son propre patron : "t'es fou, tu penses bien que je ne vais pas être gréviste, t'as vu le CAC 40 ?"



Mais, depuis quelques mois, l'atmosphère a changé. Même La Boite avec son emblématique patron social a délocalisé quelques services à l'étranger. Certes, aucun licenciement sec, mais quelques départs anticipés à la retraite, divers reclassements plus ou moins consentis, et autres stages de formation bidons pour refourguer le service clientèle de La Boite au Maroc, ont un peu cassé l'ambiance !

Fort heureusement, les collègues consultent toujours frénétiquement les sites boursiers en ligne. Cette saine activité bureaucratique, encouragée par La Boite, et ce au plus haut niveau, n'a pas pâti du krach boursier ! Syndrome de Stokholm ?

N'est-ce pas émouvant d'écouter un trader ou un patron évoquer les courbes, arabesques, liés et déliés des cours de Wall Street, de la City, du Nasdaq ou du Cac 40 ?

La Boite est sensible à cette poésie capitaliste. Son éthique citoyenne l'oblige à la faire partager à ses salariés...

Aussi, tous les ans, la direction convie l'ensemble des collaborateurs à un grand raout. Bien calés dans les fauteuils du grand auditorium, nous écoutons les cadres sups réciter les légendes des documents powerpoint à la gloire de La Boite qui défilent.

Cette année, nous avons donc su que La Boite se renforçait malgré de lourdes pertes causées par la filiale américaine... Comme me le souffla un collègue, "le capitalisme néo-libéral ressemble à la médecine du temps de Molière : rien ne vaut une bonne purge !"

On nous a également fait comprendre notre chance de bosser au sein d'une entreprise aussi géniale, sociale et citoyenne que La Boite. Le genre de discours qui anesthésie toute pensée relative à une augmentation de salaire...

A ce propos, la valeur de l'action du groupe La Boite n'a pas été évoquée... Pourtant, deux effondrements des cours, des bons de participations, et par conséquent de notre pouvoir d'achat, en moins dix ans, c'est plus fort que le 11 septembre !

La communication de La Boite n'a pas vocation à informer... en devenant rabat-joie !

L'essentiel, c'est que La Boite conserve sa stratégie win win dans un contexte de krach boursier, de crise financière et de récession économique... Tous les salariés en profiteront bien un jour, n'est-ce-pas ? Parole de PDG de La Boite !

Commentaires

1. Le vendredi 12 juin 2009, 20:14 par Rébus

Quand j'entends win win, ça me donne envie de sortir mon revolver, c'est limite pavlovien.

2. Le samedi 13 juin 2009, 07:17 par pas perdus

oui ça me fait penser à un slogan de la dernière campagne présidentielle...

3. Le samedi 13 juin 2009, 14:27 par Etiam Rides

C'est sûr qu' l'investissement individuel sur soi, ça donne mieux qu' aliénation. Ca fait moins marxiste en tout cas...

4. Le dimanche 14 juin 2009, 08:58 par pas perdus

oui Etiam, tout est dans la nuance...