L'idée serait née chez Fesses Bouc, il y a même un blog pour la porter, qui ne compte que deux billets, dont l'appel fondateur.

On lit d'abord :

"Les libertés les plus élémentaires sont bafouées chaque jour un peu plus."

On regrette que le texte ne précise pas lesdites libertés: liberté de penser, liberté de circuler, liberté de vivre en France même quand on vient d'un pays hors Union européenne, liberté de s'exprimer sur son lieu de travail ? Silence...

La suite est tout autant imprécise, entre parenthèses figurent nos commentaires :

"Le principe d’égalité est systématiquement remis en cause" (la Vème République n'a jamais été une République sociale, ce principe était autant bafoué sous Chirac),"les ponctions se font sur ceux qui ont le moins, les cadeaux vont à ceux qui ont le plus" (les inégalités n'ont pas attendu Sarkozy, le bouclier fiscal a d'ailleurs été institué sous Chirac et De Villepin) "Le président de la République Française n’est pas le président de tous les français mais un chef de clan" (hormis De Gaulle, le président de la République a toujours été le chef d'un parti politique...). "La fraternité, ciment du peuple, est méthodiquement mise en pièces, à la place on installe une politique de la peur des autres, une stratégie du choc" (a priori elle est au moins bafouée depuis les lois Pasqua, sans discontinuer).

Cet appel prend soin d'exclure toutes les associations, partis politiques et syndicats ouvriers.... prônant une sorte d'apolitisme de bon aloi, un peu bobo poujadiste conforme à l'ère du temps et écartant le clivage gauche-droite, la lutte des classes, ou l'opposition patronat-salarié au nom d'on ne sait quelle modernité :

"Notre mobilisation n’est rattachée à aucun parti, à aucun syndicat, à aucune association."

Au mépris des institutions, ce texte demande la démission de Sarkozy aux motifs ubuesques que ce dernier ne respecterait pas les règles républicaines édictées par la Constitution... Certes, on l'a dit souvent ici, la République est malmenée sous Sarkozy, des journalistes et des blogueurs sont parfois poursuivis pour leurs écrits, des syndicalistes pour leurs luttes, mais pour autant peut-on affirmer que nous ne vivons plus en démocratie... bourgeoise ? Là encore, le texte n'apporte aucune précision pour étayer ses affirmations. Il ne dit pas non plus un seul mot sur la Vème République.

Le texte appelle à la formation d'assemblées citoyennes... Encore et toujours, l'appel demeure évasif, ne précisant ni les formes ni les conditions ni durant combien de temps se réuniront lesdites assemblées... Tout le monde pourra y participer ? Faudra-t-il élire des représentants, auront-ils un simple mandat représentatif ou un mandat impératif révocable à tout moment ? Silence !

Cet appel n'aligne que généralités et poncifs, probablement pour être le plus consensuel possible et séduire le maximum de personnes.

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Ainsi, il ne s'appuie pas sur des exemples récents et porteurs :

  • la directive services, une coproduction no-libérale, centriste et socialiste, qui va être transposée, "marchandisant" quasiment l'ensemble des activités...
  • les syndicalistes en lutte qui défendent le service public parfois au péril de leur santé...
  • les travailleurs sans papiers qui font grève et occupent des locaux avec l'aide des associations, des partis de gauche, hormis le PS, et des syndicats pour obtenir le droit de vivre et de travailler décemment en France...

Aussi, on constate bien ici que cet antisarkozisme sert de plus petit dénominateur commun pour rassembler. Sarkozy est devenu un bouc émissaire qui permet à certains militants et sympathisants du PS, du MoDem et de la droite villepinistes de créer l'illusion d'une union antisarkoziste pour se débarrasser de Sarkozy....

Or, le sarkozisme dépasse le simple individu Nicolas Sarkozy... puisqu'il existait avant mai 2007 sous Raffarin et de Villepin. Cet antisarkozisme évite de répondre à certaines questions importantes et clivantes, voire taboues :

  • Quid de la Vème République ?
  • Quid du droit au logement ?
  • Quid des sans-papiers, expulsions ou cartes de séjour ?
  • Quid de l'adhésion à l'OTAN ?
  • Quid de la liberté d'expression des salariés dans l'entreprise ?
  • Quid du protectionnisme ?
  • Quid de l'union européenne du dumping social et du libre-échange ?
  • Quid des retraites, retour à 60 ans ?
  • Quid de la sécurité sociale ?
  • Quid du pluralisme dans les médias ?
  • Quid du niveau d'imposition des particuliers et des entreprises ?
  • Quid de la planification écologique ?
  • Quid de l'engagement français en Afghanistan ?
  • Quid de la recherche ?

Par conséquent, avant d'appeler à manifester, il vaudrait mieux réfléchir à tête reposée à toutes ces questions, plutôt que d'exiger la démission du Président de la République. Dans bien des cas, Sarkozy n'est que l'exécutant des basses œuvres du patronat et des décisions de l'Union européenne, souvent prises conjointement entre libéraux - centristes et PSE... Et si possible, réfléchir à proposer un programme politique de rupture avec le sarkozisme et le néo-libéralisme de l'union européenne.

Enfin, rappelons que Berlusconi n'a pas démissionné le 6 décembre dernier, malgré les 500 000 manifestants à Rome... De plus, la situation politique de la France n'est pas comparable à celle de l'Italie pour de nombreuses raisons, parmi lesquelles l'existence en France d'une gauche parlementaire puissante issue de divers partis. Enfin, cette manif en rappelle d'autres, plus anciennes, comme celles entre les deux tours de la présidentielle de 2002 ou lors de l'affaire Carpentras... Des manifs plus fondées sur la passion que sur la raison... qui finalement furent sans lendemain, probablement parce qu'elles ne proposaient aucun débouché politique : elle est à là la limite de ce no sarkozy day...