sur les limites du no sarkozy day

un léger décalage...

Billet

On a lu des billets enthousiastes chez Hypos, Eric et Rimbus, relayés entre deux pubs par Marianne, relatifs à un No Sarkozy Day qui n'est pas sans rappeler le No Berlusconi day. Avouons que cet élan nous surprend presque...

L'idée serait née chez Fesses Bouc, il y a même un blog pour la porter, qui ne compte que deux billets, dont l'appel fondateur.

On lit d'abord :

"Les libertés les plus élémentaires sont bafouées chaque jour un peu plus."

On regrette que le texte ne précise pas lesdites libertés: liberté de penser, liberté de circuler, liberté de vivre en France même quand on vient d'un pays hors Union européenne, liberté de s'exprimer sur son lieu de travail ? Silence...

La suite est tout autant imprécise, entre parenthèses figurent nos commentaires :

"Le principe d’égalité est systématiquement remis en cause" (la Vème République n'a jamais été une République sociale, ce principe était autant bafoué sous Chirac),"les ponctions se font sur ceux qui ont le moins, les cadeaux vont à ceux qui ont le plus" (les inégalités n'ont pas attendu Sarkozy, le bouclier fiscal a d'ailleurs été institué sous Chirac et De Villepin) "Le président de la République Française n’est pas le président de tous les français mais un chef de clan" (hormis De Gaulle, le président de la République a toujours été le chef d'un parti politique...). "La fraternité, ciment du peuple, est méthodiquement mise en pièces, à la place on installe une politique de la peur des autres, une stratégie du choc" (a priori elle est au moins bafouée depuis les lois Pasqua, sans discontinuer).

Cet appel prend soin d'exclure toutes les associations, partis politiques et syndicats ouvriers.... prônant une sorte d'apolitisme de bon aloi, un peu bobo poujadiste conforme à l'ère du temps et écartant le clivage gauche-droite, la lutte des classes, ou l'opposition patronat-salarié au nom d'on ne sait quelle modernité :

"Notre mobilisation n’est rattachée à aucun parti, à aucun syndicat, à aucune association."

Au mépris des institutions, ce texte demande la démission de Sarkozy aux motifs ubuesques que ce dernier ne respecterait pas les règles républicaines édictées par la Constitution... Certes, on l'a dit souvent ici, la République est malmenée sous Sarkozy, des journalistes et des blogueurs sont parfois poursuivis pour leurs écrits, des syndicalistes pour leurs luttes, mais pour autant peut-on affirmer que nous ne vivons plus en démocratie... bourgeoise ? Là encore, le texte n'apporte aucune précision pour étayer ses affirmations. Il ne dit pas non plus un seul mot sur la Vème République.

Le texte appelle à la formation d'assemblées citoyennes... Encore et toujours, l'appel demeure évasif, ne précisant ni les formes ni les conditions ni durant combien de temps se réuniront lesdites assemblées... Tout le monde pourra y participer ? Faudra-t-il élire des représentants, auront-ils un simple mandat représentatif ou un mandat impératif révocable à tout moment ? Silence !

Cet appel n'aligne que généralités et poncifs, probablement pour être le plus consensuel possible et séduire le maximum de personnes.

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Ainsi, il ne s'appuie pas sur des exemples récents et porteurs :

  • la directive services, une coproduction no-libérale, centriste et socialiste, qui va être transposée, "marchandisant" quasiment l'ensemble des activités...
  • les syndicalistes en lutte qui défendent le service public parfois au péril de leur santé...
  • les travailleurs sans papiers qui font grève et occupent des locaux avec l'aide des associations, des partis de gauche, hormis le PS, et des syndicats pour obtenir le droit de vivre et de travailler décemment en France...

Aussi, on constate bien ici que cet antisarkozisme sert de plus petit dénominateur commun pour rassembler. Sarkozy est devenu un bouc émissaire qui permet à certains militants et sympathisants du PS, du MoDem et de la droite villepinistes de créer l'illusion d'une union antisarkoziste pour se débarrasser de Sarkozy....

Or, le sarkozisme dépasse le simple individu Nicolas Sarkozy... puisqu'il existait avant mai 2007 sous Raffarin et de Villepin. Cet antisarkozisme évite de répondre à certaines questions importantes et clivantes, voire taboues :

  • Quid de la Vème République ?
  • Quid du droit au logement ?
  • Quid des sans-papiers, expulsions ou cartes de séjour ?
  • Quid de l'adhésion à l'OTAN ?
  • Quid de la liberté d'expression des salariés dans l'entreprise ?
  • Quid du protectionnisme ?
  • Quid de l'union européenne du dumping social et du libre-échange ?
  • Quid des retraites, retour à 60 ans ?
  • Quid de la sécurité sociale ?
  • Quid du pluralisme dans les médias ?
  • Quid du niveau d'imposition des particuliers et des entreprises ?
  • Quid de la planification écologique ?
  • Quid de l'engagement français en Afghanistan ?
  • Quid de la recherche ?

Par conséquent, avant d'appeler à manifester, il vaudrait mieux réfléchir à tête reposée à toutes ces questions, plutôt que d'exiger la démission du Président de la République. Dans bien des cas, Sarkozy n'est que l'exécutant des basses œuvres du patronat et des décisions de l'Union européenne, souvent prises conjointement entre libéraux - centristes et PSE... Et si possible, réfléchir à proposer un programme politique de rupture avec le sarkozisme et le néo-libéralisme de l'union européenne.

Enfin, rappelons que Berlusconi n'a pas démissionné le 6 décembre dernier, malgré les 500 000 manifestants à Rome... De plus, la situation politique de la France n'est pas comparable à celle de l'Italie pour de nombreuses raisons, parmi lesquelles l'existence en France d'une gauche parlementaire puissante issue de divers partis. Enfin, cette manif en rappelle d'autres, plus anciennes, comme celles entre les deux tours de la présidentielle de 2002 ou lors de l'affaire Carpentras... Des manifs plus fondées sur la passion que sur la raison... qui finalement furent sans lendemain, probablement parce qu'elles ne proposaient aucun débouché politique : elle est à là la limite de ce no sarkozy day...

Commentaires

1. Le vendredi 25 décembre 2009, 20:51 par Dr No

Bouche bée que je suis devant cet excellent billet. Je reste quand même un peu sur ma faim à la fin ... Penser qu'on puisse arriver à imposer une rupture non pas avec le sarkozisme mais avec la tendance néo-libérale générale et le capitalisme ambiant "politiquement" ou par les urnes me laisse perplexe ...

2. Le vendredi 25 décembre 2009, 23:13 par Benjamin Ball

@ Des pas perdus :

Tout d'abord, merci de l'honneur que tu nous fait en consacrant un billet sur l'événement que nous proposons le 20 mars 2010.

Ensuite félicitation pour la qualité de ton écriture la force de ton engagement politique.

Enfin j'espère que tu m'appelleras pour que l'on puisse discuter plus en avant à propos des quelques lignes que je vais écrire ci dessous. Voici mon numéro 06 01 99 20 10

Notre blog ne comporte deux billets car il vient d'être créé. D'autres sont à venir très prochainement notamment un pour démarrer la nouvelle année.

Nous n'excluons ni les partis politiques ni les syndicats ni les associations, toutes ses structures sont invitées à nous soutenir, mais aucune ne peut se prévaloir d'être à l'initiative du No Sarkozy Day.

Nous appelons toute la population à manifester contre un homme politique de surcroit président de notre État, nous ne sommes donc pas apolitiques. Nous sommes apartisans car nous ne prenons pas parti pour une structure syndicale politique ou associative, nous demandons le soutien du plus grand nombre possible d'entre elles mais n'en soutenons aucune.

Faut il attendre que nous soyons tous d'accord sur chacun des 19 points évoqués dans ton article pour se mobiliser contre Nicolas Sarkozy? la réponse ne peut qu'être négative.

Devons nous lancer dans les assemblées citoyennes qui se tiendront toutes les questions que tu as posées? La réponse ne peut être que positive.

A très bientôt donc et au plaisir de te lire.

Benjamin Ball initiateur du No Sarkozy Day.

3. Le samedi 26 décembre 2009, 10:18 par Romain JAMMES

Bonjour à tous,

Je tiens à dire que j'apprécie beaucoup l'initiative de "des pas perdus". Il faut pointé le manque de rigueur de cette initiative qui ressemble plus, finalement, à un appel d'ados révoltés qu'à une véritable revendication politique. Il faut le faire évidemment dans l'idée de l'améliorer et non de le descendre, et je pense que c'est ce que tu a voulu faire.

Ce qui me gène dans cette histoire, c'est la personnification. Vous savez, Sarkozy n'est qu'un homme, ce n'est pas lui qui est à l'origine de ce qu'il génère. Ce sont les contextes qui génèrent les hommes et non l'inverse. Hitler aurait put être un autre, Louis XIV ou Napoléon aussi. Donc je trouve que c'est botter en touche que de prendre une telle initiative.
En outre, nous assistons à une personnification de plus en plus importante de la politique (et plus largement de l'ensemble de la société) qui représente bien une limite à la démocratie en ce qu'on s'attache moins aux idées qu'à ceux qui les exprime (très mal souvent). C'est donc, selon moi, faire le jeu de la droite historique (donc royaliste, pétainiste, poujadiste, contre-révolutionnaire en générale) que de prendre une telle initiative.

Je pense que là est l'intérêt de passer à travers des syndicats et partis politiques qui, s'ils ne sont pas parfait, ont au moins le recul pour ne pas prendre des initiatives à la légère.
En outre, cet événement reste, de ce fait, une initiative extrêmement centrée sur internet mais ne se développe pas vers la population. L'initiative n'est donc pas réellement ouverte, voire même très fermée jusque là et je doute qu'elle prenne réellement une envergure quelconque...

Romain Jammes
romain-jammes.blogspot.com

4. Le samedi 26 décembre 2009, 10:20 par des pas perdus

Merci à vous deux.

Dr No : vous avez fait une belle synthèse du sarkozisme.... Je pense effectivement qu'on peut passer à autre chose légalement par les urnes.

Benjamin Ball : merci pour vos coordonnées, mais je ne suis qu'un citoyen parmi d'autres, et un modeste blogueur perdu dans la blogobulle. Les points cités ne sont que quelques exemples, la liste n'est pas exhaustive... Vous devriez entrer en contact avec toutes les forces organisées qui luttent contre Sarkozy. J'ai également la faiblesse de penser que les maux que votre texte semble évoquer dépassent largement Sarkozy...

5. Le samedi 26 décembre 2009, 10:39 par des pas perdus

J'ai l'impression Romain qu'on a commenté en même temps... Ton commentaire complète très bien mon billet en insistant notamment sur le contexte historique.

6. Le samedi 26 décembre 2009, 21:43 par Celeste

Bravo pour ce billet qui récapitule ce contre quoi il faut lutter.

Lutter contre les idées et non contre les personnes.

Le Berlusconi day a eu un grand succès et puis...rien!

D'un autre côté il y a aussi et ce n'est pas négligeable, le plaisir de se compter, de savoir que l'on n'est pas seul.

7. Le dimanche 27 décembre 2009, 09:38 par des pas perdus

Exactement Céleste, je pense qu'en 2010 nous aurons des occasions de nous rassembler et de nous compter.

8. Le mercredi 30 décembre 2009, 02:44 par GdeC

Tiens ? On m'appelle, par ici ? Oui, bien sûr... La directive services... Mais puisque tout le monde s'en fout.. Pourquoi réveiller les morts, hein, DPP ?

9. Le mercredi 30 décembre 2009, 08:41 par des pas perdus

Ne soyons pas pessimistes GDC...