mai 2007

L'ère du vide

à Limassol

Certaines personnes ont demandé les raisons de l'interruption de ce blog. Un exil suite à l'arrivée au pouvoir de Sarkozy ? Non point. Juste quelques jours de congés bien mérités. En exclusivité, voyez donc où nos pas perdus sont allés en retraite.

Dans le calme d'un paysage méditerranéen parsemé ici et là de vestiges d'un temps où les sondages ne polluaient pas la vie politique. A ce sujet, nous devrions moins intervenir dans le débat. La France a choisi. Comme d'habitude, la droite est au pouvoir. C'est une donnée quasiment intangible, sauf situations exceptionnelles qui poussent alors le peuple à l'audace, en élisant un président ou une majorité de députés issus de la gauche, loin de l'ordre établi incarné par la droite.

Et oui, être de gauche, c'est avoir l'habitude de la défaite électorale et donc d'accepter le résultat d'une élection démocratique, mais c'est également résister au pouvoir et avancer. Faisons donc en sorte que les législatives ne se transforment pas en plébiscite pour le président Sarkozy et soyons attentifs aux mesures prises par la droite.

Dans une petite ville des Etats-Unis, une femme se fait tuer chez elle, une balle dans la nuque, devant sa famille. Ce crime sans raison apparente provoque des remous au sein de la petite communauté qui risquent de briser son unité de façade. Les langues se délient...

Franchement, même si nous n'avons pas voté pour notre nouveau président, nous commençons à apprécier sa rupture... Chirac avait débuté par un traditionnel 8 mai en compagnie de son prédécesseur, Mitterrand par un pélerinage au Panthéon, Sarkozy a immédiatement apprécié les charmes du Fouquet's, du Jet privé et du yacht. Avouez que c'est autre chose la France d'en bas qui se lève tôt ! Tout est possible! C'est le nouveau style de notre chef de l'Etat, bien représentatif de l'époque et d'une certaine catégorie de la population, celle qui est sensible à ce bouclier fiscal qui permettra de pleinement profiter de ses revenus... Ce serait quand même dommage de verser plus de 50 % aux impôts pour financer écoles, hôpitaux et diverses infrastructures pour le bien-être de la communauté nationale, et donc de se priver de claquer son fric, sa thune, son blé, son pèze, son argent de façon ostentatoire!

Avant le 6 mai, il déclarait se retirer pour "habiter la fonction présidentielle, prendre la mesure de gravité des charges qui pèsent sur ses épaules, prendre la distance nécessaire pour devenir l'homme de la nation». D'aucuns pensaient qu'il se recueillerait dans un monastère en Corse. Que nenni ! Se rendre à Malte en Jet et en yacht, ça a quand même plus de la gueule ! Non ?

Oui, le style Sarkozy, ce sera un surprenant mélange de kitsch et de glamour, version nouveaux riches parvenus (beau pléonasme), ainsi qu'une politique répressive et régressive aux niveaux des libertés individuelles et des droits sociaux. Un style qui s'accomode parfaitement des conflits d'intérêts puisque, a priori, ce sont ses amis qui offrent ces petites folies d'un coût global supérieur à 300.000 euros... Attention aux prochaines privatisations... et peut-être aux renvois d'ascenseurs. La France d'après c'est déjà maintenant !

Tandis que certains coulent des jours heureux sur un yatch et terminent leurs coupes de champ', d'autres restent à l'eau plate... Nos pas perdus vont s'éloigner du champ politique et revenir à des occupations qui relèvent plus de la sphère privée. Peut-être une ou deux interventions au moment des législatives si le raz-de-marée UMP ne nous noie pas complètement... Les jeux sont faits, certains diront que ce n'est qu'une bataille.

Sans vouloir gâcher la joie de nos amis sarkozystes, il y a fort à parier que parmi les plus jeunes qui dansaient Place de la Concorde aux sons des voix de Mireille Mathieu, Doc Gynéco et autres Johnny, certains se réveilleront dans quelques mois avec une fameuse gueule de bois...

En ce jour de commémoration de la Libération de la France du nazisme et de la collaboration, nous ne pouvons nous empêcher de penser au programme du Conseil National de la Résistance, à sa traduction dans la loi et dans la vie de tous, à la Résistance et notamment aux immigrés qui ont contribué à relever l'honneur de la France, notamment ceux de la Main d'Oeuvre Immigrée (MOI) du groupe Manouchian (la fameuse affiche rouge), ainsi qu'à toutes les victimes de l'idéologie nazie.

Hier soir, le leader de la droite a essayé d'être calme et pondéré. Quand il s'exprimait, il récitait sa leçon. Ses interventions ressemblaient à des "copier-coller" de ses meetings. Il évitait le regard de Ségolène Royal et recherchait systématiquement celui de PPDA ou de Chabot comme pour se rassurer. On avait l'impression qu'il essayait de chasser le naturel comme s'il avait peur de montrer sa véritable nature. Aujourd'hui, nous ne pouvons affirmer si les intentions de vote ont évolué après ce débat, mais la candidate a réussi plusieurs fois à gripper la mécanique de son adversaire et à montrer une véritable force de caractère et d'écoute. Si aujourd'hui, à gauche et au centre l'incertitude domine, les supporters de l'UMP s'apprêtent à sabrer le champagne. Puisque selon eux, leur champion a déjà largement gagné, si on en croit les sondages, nous leur conseillons de fêter, dès à présent, la victoire et de ne pas perdre leur temps à se rendre dans leurs bureaux de vote...

On n'a rarement vu un candidat qui suscitait spontanément un tel rejet. Ses discours sur le ministère de l'immigration et de l'identité nationale, les gènes ou son rejet viscéral de Mai 68. Pour ce dernier, il a même employé le verbe "liquider"... Il faut remonter à la France de Vichy évoquant le front populaire ou la droite maurrasienne au sujet de 1789 pour entendre un leader de la droite s'exprimer ainsi sur un événement historique. Il ne s'agit pas de défendre Mai 68 qui a eu sans doute des effets néfastes, mais rejeter en bloc cet événement et ses conséquences, nous semble dénué de toute mesure : conquête de nouveaux droits sociaux pour les salariés, massification de l'enseignement supérieur, affirmation de la place des femmes dans la société, etc. Jeter l'anathème sur Mai 68 et le désigner en bouc émissaire des maux de notre société relève soit d'une idéologie ou d'une analyse extrêmement simpliste, soit d'une stratégie purement électoraliste. Par exemple, rendre responsable Mai 68 des dérives du capitalisme moderne (cf. parachutes en or) ressemble à du cynisme lorsque l'on sait que l'UMP a récemment rejeté une proposition de loi visant à interdire cette pratique scandaleuse qui récompense l'incompétence des patrons.

Cette stratégie permet à Sarkozy d'occuper le devant de la scène en organisant sciemment le scandale (provocation puis victimisation) pour occulter son bilan et les aspects les plus ultra-libéraux de son programme. Face à un tel animal politique, le défi ne s'annonçait pas simple à relever. C'est pourtant ce que Ségolène Royal a réussi dans ce débat. Elle a dévoilé calmement le double jeu malsain et le double langage de Sarkozy, notamment sur l'accueil des enfants handicapés à l'école (supprimé par les gouvernements Raffarin et Villepin), puis expliqué avec pédagogie la cohérence de son pacte présidentiel pour les cinq années à venir. Elle a démontré qu'elle avait les qualités que l'on attend d'un chef d'Etat : un projet pour le pays, le sens de l'écoute et des responsabilités, le calme et la détermination.

Le programme de Sarkozy en matière de santé publique est inquiétant. D'ailleurs,on n'entend guère le candidat de l'UMP le décliner. La logique sarkozyste attribue aux malades la responsabilité du déficit de la sécurité sociale. Lors de son passage à Bercy, il n'a pas profité de la cagnote fiscale pour combler le fameux trou de la sécu. S'il est élu dimanche soir, il prévoit d'instaurer une franchise que tout assuré social, quels que soient ses revenus, devra acquitter avant de bénéficier de la santé publique gratuite. En l'espèce, cette politique revient à privatiser la santé et à la réserver aux privilégiés, ou à ceux qui pourront soit s'offrir des soins, soit devoir faire des sacrifices importants. Nous vous invitons à lire "le manifeste de la santé pour tous" et l'engagement de l'association Act Up contre Sarkozy

Le thème principal de la campagne de Sarkozy est "travailler plus, pour gagner plus" : ne comptons pas sur lui pour revaloriser les salaires. Ce slogan démagogique sous-entend également que les salariés sont brimés par les 35 heures... Qu'aujourd'hui, ils ne peuvent pas travailler plus. Avec Sarko, la liberté nous sera rendue ! On pourra aller voir son patron et lui imposer des heures supplémentaires pour arrondir nos fins de mois. Ben voyons ! Derrière ce discours se cache l'idéologie ultra-libérale. Sarkozy entend revenir sur les 35 heures et pourquoi pas sur toute la réglementation du travail. La liberté ne sera pas celle des salariés mais des employeurs... En fait, nous sommes à la veille d'une vaste remise en cause de droits qui ont été arrachés au patronat par le mouvement ouvrier pour améliorer les conditions de vie et de travail au cours XXème siècle.